Introduction
Dans un monde où la demande électrique est en constante croissance et où la transition énergétique s’accélère, la question de la sécurité d’approvisionnement devient primordiale. Les marchés de capacité émergent comme une réponse structurée à ce défi complexe, garantissant que le réseau dispose toujours de suffisamment de moyens de production ou d’effacement pour répondre aux besoins, même lors des pics de consommation. Il s’agit d’un mécanisme qui complète le marché de l’énergie traditionnel en rémunérant non pas l’électricité effectivement produite et consommée, mais la disponibilité des capacités de production ou de réduction de la demande, assurant ainsi une réserve stratégique indispensable.
Le contexte énergétique actuel est marqué par une double dynamique : une électrification croissante des usages (transports, chauffage, industrie) et une intégration massive des énergies renouvelables intermittentes (solaire, éolien). Si ces dernières sont essentielles pour atteindre nos objectifs climatiques, leur variabilité intrinsèque pose des défis significatifs pour l’équilibre du réseau électrique. Les périodes de forte demande – souvent influencées par les conditions météorologiques extrêmes (vagues de froid, canicules) – peuvent coïncider avec des moments de faible production éolienne ou solaire, créant ainsi des tensions potentielles sur l’approvisionnement.
Face à ces mutations, la sécurité d’approvisionnement électrique est un enjeu de souveraineté et de stabilité économique. Il ne s’agit plus seulement de produire de l’électricité à moindre coût, mais de s’assurer que cette électricité est disponible au bon moment et en quantité suffisante, quelles que soient les fluctuations. Les marchés de capacité sont conçus pour inciter les acteurs à maintenir et développer des capacités de production ou des flexibilités de consommation, essentielles pour naviguer dans un mix énergétique de plus en plus diversifié et décentralisé. Ils visent à éviter les pénuries, stabiliser les prix sur le long terme et soutenir la fiabilité du système face aux imprévus.
Pourquoi les marchés de capacité sont-ils nécessaires ?
Les marchés de capacité ont été mis en place pour pallier des lacunes structurelles du marché de l’énergie traditionnel, particulièrement amplifiées par l’évolution rapide du mix énergétique. Leur nécessité s’articule autour de plusieurs piliers fondamentaux garantissant la stabilité et la sécurité de l’approvisionnement électrique.
Les limites du marché de l’énergie traditionnel
Le marché de l’énergie, tel que nous le connaissons, est principalement axé sur la vente et l’achat d’électricité (en MWh) à un instant T. Il rémunère la production réelle, mais ne valorise pas suffisamment la simple disponibilité des moyens de production ou d’effacement de consommation. Or, un système électrique a besoin de garantir une marge de sécurité constante pour faire face aux aléas et aux imprévus.
Voici pourquoi ce modèle seul est insuffisant :
- Rémunération de l’énergie, pas de la capacité : Une centrale électrique, même si elle est prête à fonctionner, ne gagne de l’argent que lorsqu’elle produit de l’électricité. Si elle n’est sollicitée que quelques heures par an pour des pics de demande, ses revenus peuvent être insuffisants pour couvrir ses coûts d’investissement et de maintenance.
- Incertitude sur les investissements : L’absence de signal économique clair pour la capacité décourage les investissements nécessaires dans des installations flexibles et réactives, pourtant cruciales pour la sécurité du réseau. Personne n’investira dans une usine qui ne rapporte que sporadiquement.
- Volatilité des prix : En période de forte tension, les prix de l’électricité peuvent s’envoler de manière extrême, créant de l’instabilité pour les consommateurs et les fournisseurs, sans pour autant garantir que la capacité nécessaire soit effectivement là.
Gestion des périodes de tension sur le réseau électrique
Les marchés de capacité jouent un rôle vital dans la gestion proactive des périodes critiques où la demande électrique est à son apogée. Il s’agit de ces moments où l’ensemble du système est mis à rude épreuve, comme lors des vagues de froid hivernales ou des canicules estivales.
Concrètement, ils permettent de :
- Assurer la réactivité : Ils garantissent que des capacités supplémentaires (centrales de pointe, effacement de consommation, stockage) sont disponibles et peuvent être mobilisées très rapidement lorsque la demande dépasse l’offre standard.
- Maintenir l’équilibre offre/demande : En incitant financièrement à la disponibilité, ils contribuent à éviter les déséquilibres qui pourraient conduire à des coupures de courant ou à des baisses de tension préjudiciables.
- Renforcer la résilience du réseau : Le fait de disposer de ces marges de sécurité rend le système électrique plus robuste face aux événements imprévus, qu’il s’agisse de pannes de centrales, d’arrêts non planifiés ou de fluctuations importantes de la production renouvelable.
Prévention du « missing money problem » pour les centrales de pointe
Le « missing money problem » est l’une des raisons économiques majeures de l’existence des marchés de capacité. Il décrit la situation où des moyens de production, indispensables pour assurer la sécurité d’approvisionnement lors des pics de demande, ne parviennent pas à récupérer leurs coûts d’investissement et de fonctionnement sur le seul marché de l’énergie.
Ces centrales dites de « pointe » (souvent des centrales à gaz ou des unités de pompage-turbinage) sont conçues pour démarrer rapidement et fonctionner durant de courtes périodes de forte demande. Cependant, leur faible temps de fonctionnement annuel ne génère pas suffisamment de revenus issus de la vente d’électricité pour être rentables.
Les marchés de capacité résolvent ce problème en :
- Créant une rémunération additionnelle : Les opérateurs de ces installations reçoivent un paiement pour leur engagement à être disponibles, qu’ils produisent de l’électricité ou non.
- Envoyant un signal d’investissement : Cette rémunération prévisible permet aux investisseurs de justifier la construction ou le maintien de ces capacités coûteuses mais nécessaires.
- Valorisation de la flexibilité : Ce mécanisme rémunère également d’autres formes de flexibilité, comme l’effacement de consommation (réduction volontaire de la demande par les industriels ou les gros consommateurs) ou le stockage d’énergie, qui contribuent tout autant à la sécurité d’approvisionnement.
Adaptation aux nouvelles réalités climatiques de 2025
L’horizon 2025 et au-delà est marqué par une intensification des phénomènes climatiques extrêmes et une accélération de la transition énergétique. Ces deux facteurs renforcent la pertinence et la nécessité des marchés de capacité.
- Vagues climatiques : Les canicules et les épisodes de grand froid, de plus en plus fréquents, exercent une pression inédite sur le réseau. Ces événements engendrent des pics de demande d’électricité pour la climatisation ou le chauffage, mais peuvent aussi affecter la production (baisse de rendement des centrales thermiques par forte chaleur, faible vent ou ensoleillement).
- Intermittence des renouvelables : L’intégration massive de l’éolien et du solaire, bien que cruciale pour la décarbonation, introduit une part d’intermittence dans le mix électrique. Les marchés de capacité sont essentiels pour compenser les fluctuations de ces sources et garantir que la demande peut être satisfaite même lorsque le vent ne souffle pas ou que le soleil ne brille pas.
- Électrification des usages : La migration des transports et du chauffage vers l’électricité augmente la charge globale sur le réseau. Les mécanismes de capacité sont un levier pour s’assurer que l’infrastructure et les moyens de production peuvent suivre cette évolution sans compromettre la fiabilité.
En somme, face aux enjeux climatiques et à l’évolution du paysage énergétique, les marchés de capacité ne sont plus une simple option, mais un pilier central pour assurer un avenir électrique stable et résilient.
Mécanismes et fonctionnement des marchés de capacité
Comprendre comment les marchés de capacité fonctionnent est essentiel pour saisir leur rôle dans la stabilité du réseau électrique. Loin d’être un concept abstrait, il s’agit d’un ensemble de règles et d’incitations économiques visant à garantir que l’électricité est toujours disponible, même en période de forte tension.
Principes économiques sous-jacents
Au cœur des marchés de capacité se trouve une idée simple : la sécurité d’approvisionnement a un coût et doit être rémunérée. Contrairement au marché de l’énergie où l’on achète et vend des MWh (quantité d’électricité), le marché de capacité transige sur des « garanties de capacité », c’est-à-dire l’engagement à rendre disponible une certaine puissance (en MW) à un moment donné.
Voici les grands principes :
- Rémunération de la disponibilité : Les producteurs ou les opérateurs d’effacement de consommation sont payés pour maintenir leurs installations en état de marche et les rendre disponibles, même si elles ne sont pas sollicitées en permanence. Cela permet de couvrir leurs coûts fixes et d’amortir leurs investissements.
- Signal d’investissement : En offrant une source de revenus stable pour la capacité, le marché envoie un signal fort aux investisseurs pour construire de nouvelles centrales flexibles ou développer des solutions d’effacement.
- Responsabilité des fournisseurs : Les fournisseurs d’électricité ont une obligation de capacité, c’est-à-dire qu’ils doivent prouver qu’ils disposent de suffisamment de capacités pour couvrir les besoins de leurs clients lors des périodes de pointe. Ils achètent ces garanties auprès des producteurs ou des effaceurs.
- Mécanisme d’enchères : Le prix de ces garanties est souvent déterminé par un mécanisme d’enchères, où l’offre et la demande de capacité se rencontrent, assurant une allocation efficace des ressources.
Obligations des fournisseurs et rémunération des capacités
Le fonctionnement pratique des marchés de capacité repose sur un système d’obligations et de transactions.
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L’obligation de capacité des fournisseurs :
- Chaque année, l’opérateur du réseau de transport (RTE en France) estime le besoin total en capacité pour les années à venir (souvent 3 à 5 ans en avance).
- Les fournisseurs d’électricité se voient attribuer une obligation de capacité, proportionnelle à la consommation de leurs clients pendant les heures de pointe des années précédentes.
- Pour remplir cette obligation, les fournisseurs doivent acheter des « certificats de capacité » auprès des acteurs certifiés.
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La rémunération des capacités :
- Les producteurs (centrales thermiques, hydrauliques, nucléaires, etc.) et les opérateurs d’effacement (industriels réduisant leur consommation) qui peuvent rendre des capacités disponibles participent à des enchères ou concluent des contrats avec les fournisseurs.
- Ils reçoivent une rémunération pour chaque MW de capacité qu’ils s’engagent à mettre à disposition. Cette rémunération est versée indépendamment de la quantité d’électricité réellement produite, mais est soumise à des conditions strictes de disponibilité.
Ce double mécanisme garantit que la charge de la sécurité d’approvisionnement est répartie entre tous les acteurs du marché, tout en incitant les propriétaires de capacités à investir et à maintenir leurs installations opérationnelles.
Processus de certification et contrôle de disponibilité
Pour que le marché de capacité soit juste et efficace, il est impératif de garantir que les capacités déclarées sont réelles et effectivement disponibles en cas de besoin. C’est là qu’interviennent les processus de certification et de contrôle.
Le processus se déroule généralement en plusieurs étapes :
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Certification des capacités :
- Tout acteur souhaitant proposer de la capacité doit d’abord faire certifier ses installations par l’opérateur du réseau. Cela inclut les unités de production (centrales) et les sites d’effacement de consommation.
- La certification valide la puissance maximale que l’acteur peut rendre disponible, sa fiabilité et sa capacité à répondre aux sollicitations.
- Des coefficients de dévalorisation peuvent être appliqués pour tenir compte de l’intermittence des énergies renouvelables (ex: un champ éolien ne sera pas certifié à sa puissance nominale maximale car il ne souffle pas toujours).
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Contrôle de la disponibilité et sanctions :
- Pendant les périodes de pointe (définies comme « périodes de pointe certifiées »), l’opérateur du réseau vérifie que les capacités engagées sont bien disponibles.
- Si un acteur certifié ne peut pas honorer son engagement de disponibilité pendant ces périodes critiques, il s’expose à des pénalités financières. Ces pénalités sont généralement significatives pour inciter au respect des engagements.
- Ces contrôles garantissent l’intégrité du marché et la fiabilité du système.
Ce cadre rigoureux assure que l’argent investi dans la capacité se traduit concrètement par une sécurité d’approvisionnement accrue pour le réseau.
Comparaison avec d’autres mécanismes de flexibilité
Les marchés de capacité ne sont pas le seul outil pour assurer la flexibilité du système électrique, mais ils en sont un pilier majeur. Il est utile de les distinguer d’autres mécanismes complémentaires, souvent regroupés sous le terme générique de « flexibilité électrique ».
Alors que les marchés de capacité rémunèrent une disponibilité structurelle à long terme, d’autres mécanismes se concentrent sur la gestion de l’équilibre à court terme.
- Mécanismes de flexibilité court terme : Ces mécanismes, comme les marchés d’ajustement ou les services système (réserve primaire, secondaire, tertiaire), sont activés en temps quasi-réel pour compenser des déséquilibres imprévus entre l’offre et la demande. Ils rémunèrent la rapidité et la précision de la réponse.
- Stockage d’énergie : Les batteries, les stations de pompage-turbinage ou les systèmes de stockage thermique peuvent participer à la fois aux marchés de capacité (en s’engageant sur une puissance disponible) et aux marchés d’ajustement (en injectant ou en absorbant de l’énergie sur demande).
- Interconnexions : La capacité à échanger de l’électricité avec les pays voisins offre une flexibilité précieuse, permettant d’importer ou d’exporter de l’énergie en fonction des besoins nationaux.
Pour une analyse plus approfondie de ces différentes approches, n’hésitez pas à consulter notre article sur la flexibilité électrique, un enjeu majeur pour les réseaux de demain. Les marchés de capacité viennent donc compléter ces outils en fournissant un socle de sécurité et en encourageant les investissements de long terme, indispensables à la résilience de notre système électrique.
Panorama des marchés de capacité en Europe
L’approche des marchés de capacité n’est pas uniforme à travers l’Europe. Chaque pays a adapté son mécanisme aux spécificités de son mix énergétique, de sa structure de marché et de ses objectifs politiques. Cependant, une tendance à la convergence et à l’harmonisation se dessine, sous l’impulsion des régulations européennes.
Le modèle français et ses spécificités
La France a mis en place son mécanisme de capacité en 2017, suite à des années de préparation. Il se distingue par plusieurs caractéristiques :
- Un mécanisme d’obligations et de certificats : Les fournisseurs d’électricité ont une obligation annuelle de capacité, proportionnelle à la consommation de leurs clients pendant les heures de pointe nationales. Pour y répondre, ils doivent acquérir des certificats de capacité auprès des acteurs (producteurs, effaceurs, importateurs) dont les capacités ont été certifiées par RTE, le gestionnaire du réseau de transport.
- Les « périodes de pointe » (PP1 et PP2) : RTE définit des jours et des heures spécifiques de forte tension sur le réseau, appelés périodes de pointe. C’est durant ces périodes que les capacités certifiées doivent être disponibles. En France, ces périodes sont généralement concentrées sur l’hiver, lorsque la consommation de chauffage électrique est maximale.
- Un rôle central pour RTE : Le gestionnaire de réseau est chargé de la certification des capacités, de l’établissement du besoin national en capacité, de la publication du calendrier des jours de pointe et du contrôle de la disponibilité.
- L’intégration de l’effacement : Le modèle français valorise pleinement les capacités d’effacement de consommation, c’est-à-dire la capacité d’industriels ou de grands consommateurs à réduire leur demande à la demande. Ces effacements sont traités sur un pied d’égalité avec la production, renforçant la flexibilité du système.
Ce mécanisme est encadré par des règles précises définies et mises à jour régulièrement. Pour une compréhension détaillée, vous pouvez consulter les dernières Règles du mécanisme de capacité sur le site du Ministère de la Transition Écologique.
Approches adoptées au Royaume-Uni et en Italie
D’autres pays européens ont également développé des mécanismes de capacité, souvent avec des nuances importantes.
Royaume-Uni : Le Capacity Market
Le Royaume-Uni a lancé son « Capacity Market » en 2014, avant la France, et il est souvent cité comme un modèle précurseur.
- Un système d’enchères inversées : Le gouvernement fixe une cible de capacité à acquérir pour les années futures. Les opérateurs de capacités (nouvelles ou existantes) soumissionnent un prix pour s’engager à fournir une puissance donnée. Les moins chers remportent des contrats de capacité, qui leur garantissent des paiements pour leur disponibilité.
- Contrats de longue durée : Pour les nouvelles capacités, des contrats pouvant aller jusqu’à 15 ans sont attribués, offrant une visibilité et une sécurité d’investissement cruciales pour les projets d’envergure.
- Rôle d’Ofgem : L’autorité de régulation (Ofgem) et l’opérateur de réseau (National Grid ESO) sont les acteurs clés de la conception et de la mise en œuvre.
Italie : Le Capacity Market Italien
L’Italie, confrontée à des enjeux similaires de sécurité d’approvisionnement et d’intégration des renouvelables, a également mis en place son propre mécanisme, avec une orientation distincte.
- Enchères centralisées : Similaire au Royaume-Uni, l’Italie utilise un système d’enchères où les fournisseurs de capacité s’engagent sur des années de livraison futures.
- Focus sur la flexibilité : Le mécanisme italien met un accent particulier sur la flexibilité et la réactivité des capacités, récompensant celles qui peuvent répondre rapidement aux signaux du réseau.
- Participation transfrontalière : Il vise à faciliter la participation des capacités transfrontalières, reconnaissant l’importance des interconnexions pour la sécurité d’approvisionnement.
Ces exemples montrent une diversité d’approches, reflétant les spécificités des systèmes électriques nationaux, mais partageant un objectif commun : garantir la capacité nécessaire.
Convergence et harmonisation européenne des mécanismes
Bien que les mécanismes nationaux diffèrent, l’Union européenne œuvre à une certaine convergence. La Commission européenne a, par le passé, émis des lignes directrices strictes sur les aides d’État pour les marchés de capacité, exigeant que ces derniers soient bien conçus, proportionnés et ouverts à tous les types de technologies et de frontières.
Les points clés de cette harmonisation incluent :
- Subsidiarité : Les mécanismes de capacité ne doivent être mis en œuvre que si une analyse démontre qu’ils sont nécessaires et qu’aucune autre solution de marché n’est suffisante pour assurer la sécurité d’approvisionnement.
- Ouverture transfrontalière : Ils doivent être ouverts aux capacités situées dans d’autres États membres (via les interconnexions), afin de mutualiser les ressources et d’éviter des surinvestissements nationaux.
- Neutralité technologique : Les mécanismes ne doivent pas favoriser une technologie par rapport à une autre. Production, stockage et effacement de consommation doivent pouvoir concourir sur un pied d’égalité.
- Limitation des distorsions de marché : L’objectif est de s’assurer que ces mécanismes complémentaires ne faussent pas le fonctionnement du marché de l’énergie en lui-même.
Ces principes visent à créer un marché intérieur de l’énergie plus intégré et plus robuste, où la sécurité d’approvisionnement est une responsabilité partagée.
Retours d’expérience depuis les premières implémentations
Après plusieurs années de fonctionnement, les marchés de capacité ont généré des retours d’expérience précieux.
- Impact positif sur la sécurité : Dans l’ensemble, ils ont démontré leur capacité à améliorer la sécurité d’approvisionnement, notamment en garantissant le maintien ou l’investissement dans des capacités jugées essentielles.
- Coût pour le consommateur : Le coût de ces mécanismes est in fine répercuté sur la facture d’électricité des consommateurs. L’efficacité de leur conception est donc cruciale pour minimiser cet impact.
- Complexité administrative : La gestion des processus de certification, de contrôle et de paiement peut être complexe et nécessite des infrastructures robustes de la part des gestionnaires de réseau.
- Évolution nécessaire : Avec l’augmentation rapide des énergies renouvelables et des solutions de stockage, les marchés de capacité doivent constamment évoluer pour rester pertinents et intégrer ces nouvelles dynamiques. Les discussions sur leur adaptation sont permanentes, notamment concernant le calcul des coefficients de dévalorisation pour l’éolien et le solaire.
Ces retours d’expérience sont cruciaux pour affiner et optimiser ces mécanismes, afin qu’ils continuent à jouer leur rôle de garant de la disponibilité électrique dans un paysage énergétique en pleine mutation.
Défis et perspectives d’évolution
Les marchés de capacité, bien qu’éprouvés et efficaces pour garantir la sécurité d’approvisionnement, ne sont pas statiques. Ils sont en constante adaptation pour faire face aux défis posés par la transition énergétique et les évolutions technologiques. Leur avenir est intimement lié à l’intégration des nouvelles sources d’énergie et à une coopération européenne renforcée.
Intégration croissante des énergies renouvelables intermittentes
L’un des principaux défis pour les marchés de capacité est l’intégration massive et croissante des énergies renouvelables (EnR) comme le solaire photovoltaïque et l’éolien. Ces sources, par leur nature intermittente et non pilotable, introduisent une variabilité significative dans le réseau électrique.
Comment les marchés de capacité s’adaptent-ils ?
- Calcul des coefficients de dévalorisation : Pour tenir compte de l’intermittence, les capacités éoliennes et solaires ne sont pas valorisées à leur puissance nominale sur les marchés de capacité. Des coefficients de dévalorisation sont appliqués, reflétant leur contribution réelle à la sécurité d’approvisionnement lors des pics de demande (souvent faibles pour le solaire en hiver, par exemple). Ces coefficients sont régulièrement révisés pour refléter l’évolution des parcs et des profils de consommation.
- Besoin de flexibilité accrue : L’intermittence des EnR amplifie le besoin de flexibilité du système. Les marchés de capacité doivent donc encourager davantage les technologies et les solutions capables de réagir rapidement aux variations de production (centrales de pointe, stockage, effacement).
- Enjeux de prévision : La fiabilité des prévisions de production renouvelable est cruciale pour anticiper les besoins en capacité. Des outils de prévision de plus en plus sophistiqués sont développés pour mieux gérer cette variabilité.
L’objectif est de s’assurer que même avec un mix énergétique fortement renouvelable, le système reste stable et que les capacités de « back-up » sont toujours suffisantes.
Impact du stockage d’énergie sur les marchés de capacité
Le développement rapide des technologies de stockage d’énergie, notamment les batteries à grande échelle, représente à la fois un défi et une opportunité majeure pour les marchés de capacité.
- Le stockage comme capacité : Les systèmes de stockage sont des acteurs idéaux pour les marchés de capacité. Ils peuvent absorber l’excédent d’énergie renouvelable lorsque la production est élevée et la restituer au réseau pendant les périodes de pointe, agissant ainsi comme une « centrale électrique virtuelle » ou un « effaceur ». Cette capacité bidirectionnelle est très précieuse.
- Changement de paradigme : Le stockage transforme la notion de « disponibilité ». Il ne s’agit plus seulement de produire, mais aussi de pouvoir stocker et déstocker. Les mécanismes de capacité doivent donc évoluer pour reconnaître pleinement la valeur ajoutée du stockage en termes de flexibilité et de résilience.
- Défis réglementaires : Les cadres réglementaires doivent s’adapter pour permettre une participation équitable et non discriminatoire du stockage aux marchés de capacité, évitant les doubles rémunérations et garantissant des règles claires pour sa certification et son fonctionnement.
L’intégration réussie du stockage permettra de réduire la dépendance aux capacités fossiles de pointe et de rendre le système plus vert et plus résilient.
Questions de gouvernance et coordination transfrontalière
La transition énergétique ne connaît pas de frontières. Les réseaux électriques européens sont de plus en plus interconnectés, et les décisions prises dans un pays peuvent avoir des répercussions sur ses voisins. Cela soulève d’importantes questions de gouvernance et de coordination pour les marchés de capacité.
- Optimisation régionale : Une coordination transfrontalière efficace permettrait d’optimiser l’utilisation des capacités à l’échelle régionale, évitant ainsi des surinvestissements nationaux et réduisant le coût global pour les consommateurs.
- Ouverture des mécanismes : La réglementation européenne pousse à l’ouverture des marchés de capacité nationaux aux ressources des pays voisins, via les interconnexions. Cela signifie qu’une capacité certifiée en Allemagne pourrait potentiellement contribuer à la sécurité d’approvisionnement en France et être rémunérée en conséquence.
- Harmonisation des règles : Bien qu’une uniformisation totale ne soit pas toujours souhaitable, une harmonisation de certains aspects (méthodologies de calcul des besoins, règles de participation) faciliterait la coopération et l’efficacité des marchés à l’échelle européenne.
La complexité de cette coordination est bien connue :
« Les marchés de capacité impliquent souvent une coordination complexe entre les États membres et les régulateurs, ce qui peut soulever des défis en matière de gouvernance. » – fr.wikipedia.org
C’est un travail continu pour les autorités régulatrices et les opérateurs de réseau à l’échelle de l’UE.
Évolutions réglementaires attendues pour 2026
L’année 2026 est un horizon clé pour de nombreuses évolutions réglementaires en Europe, notamment dans le cadre du « Clean Energy Package » de l’UE et des révisions du marché de l’électricité. Ces évolutions auront un impact direct sur les marchés de capacité.
- Poursuite de l’intégration transfrontalière : Les règles existantes devraient être renforcées pour s’assurer que les marchés de capacité soient véritablement ouverts aux ressources transfrontalières, y compris via les marchés secondaires.
- Renforcement de la neutralité technologique : Les mécanismes devront garantir que toutes les technologies (production, stockage, effacement) puissent concourir équitablement, sans biais pour les énergies fossiles.
- Prise en compte des objectifs climatiques : Les marchés de capacité devront être alignés avec les objectifs de décarbonation de l’UE. Cela pourrait impliquer des critères environnementaux plus stricts pour les capacités éligibles, voire des mécanismes de sortie progressive pour les installations les plus émettrices.
- Flexibilité des règles : La réglementation est appelée à devenir plus flexible pour s’adapter à l’évolution rapide des technologies et des besoins du système électrique.
Ces ajustements réglementaires visent à garantir que les marchés de capacité restent un outil pertinent et efficace pour la sécurité d’approvisionnement tout en soutenant activement la transition vers un système électrique décarboné et résilient.
Conclusion
Les marchés de capacité se sont affirmés comme des outils indispensables pour la sécurité d’approvisionnement électrique dans un paysage énergétique en pleine mutation. Leur rôle stratégique est de combler les lacunes du marché de l’énergie traditionnel, qui ne valorise pas suffisamment la simple disponibilité des moyens de production ou d’effacement, pourtant cruciale lors des pics de demande ou des périodes de forte tension sur le réseau. En rémunérant l’engagement à fournir de la capacité, ils encouragent les investissements nécessaires dans des infrastructures flexibles, qu’il s’agisse de centrales de pointe, de solutions de stockage ou de mécanismes d’effacement de consommation.
L’enjeu majeur réside dans la recherche constante d’un équilibre entre la sécurité d’approvisionnement et les objectifs climatiques ambitieux de décarbonation. Alors que nous intégrons massivement les énergies renouvelables intermittentes, les marchés de capacité doivent évoluer pour garantir que les capacités de « back-up » nécessaires ne freinent pas la transition écologique, mais la soutiennent. Cela implique d’adapter les mécanismes pour valoriser davantage les solutions bas-carbone comme le stockage d’énergie et l’effacement intelligent, tout en assurant une sortie progressive des capacités les plus émettrices.
En fin de compte, l’avenir du système électrique repose sur une approche intégrée et une vision globale. Les marchés de capacité ne sont qu’une pièce du puzzle. Ils doivent fonctionner en synergie avec une gestion optimisée des interconnexions européennes, des investissements massifs dans les réseaux intelligents, le développement des technologies de stockage, et une politique volontariste de maîtrise de la demande. C’est cette combinaison d’outils complémentaires, coordonnée à l’échelle nationale et européenne, qui permettra de construire un système électrique à la fois robuste, flexible et durable. Comme le souligne le gouvernement français, la sécurité d’approvisionnement est une priorité constante, nécessitant une veille et une adaptation continues des politiques publiques pour un système électrique efficace et résilient : écologie.gouv.fr.
Pour aller plus loin
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